Attentats Paris : je vis à Molenbeek

Eh, Zemmour, je vis à Molenbeek ! Et toi ?

 

L’écrivain Michel Collon répond à la proposition du polémiste Eric Zemmour de bombarder la commune de Molenbeek

 

Désolé pour le tutoiement, mais le respect, ça se mérite. Or, tu viens de proposer de « bombarder Molenbeek ». Et il se trouve que moi je vis dans cette commune de Bruxelles, puisque notre bureau d’Investig’Action s’y trouve. Donc, le respect, eh bien, je ne suis pas certain que tu y aies droit.

Avant de mourir, puis-je te poser deux ou trois questions qui me tracassent ? D’abord, comptes-tu bombarder l’ensemble de Molenbeek (environ cent mille habitants) et donc aussi mon quartier ? Ou bien procéderas-tu seulement à des « frappes chirurgicales » ?

Tu sais, comme celles de tes potes de l’armée US, dont les missiles et les drones tuent chaque jour des enfants, des femmes et des vieux en Afghanistan et ailleurs. Ou bien comme celles de ton pote Sarkozy qui a massacré plein de petits gosses en Libye, dont j’ai pu, étant sur place pendant les bombardements, voir les « déchets », c’est le seul mot qui convient pour ces morceaux de viande qu’étaient devenus de petits gosses charmants sous les missiles humanitaires de tes amis. Mais as-tu bien réfléchi, Eric ? Bombarder des innocents et semer la haine, ne crois-tu pas que c’est justement cela qui produit des terroristes ?

Ensuite, peux-tu me dire où tu habites afin que nous soyons sur pied d’égalité ? Certains disent que dans les beaux quartiers où j’ai l’impression que tu vis (je ne sais pourquoi, mais je t’imagine difficilement dans une cité ouvrière), dans ces beaux quartiers des Ferrari et du foie gras, c’est là qu’on trouve l’élite française, tu sais, celle des actionnaires du CAC 40 qui tremblent de joie quand Lagardère vend à l’Arabie saoudite les missiles qui tuent les gens au Yémen, ou quand Dassault refile des bombardiers à Netanyahou ?

Enfin, puisque tu sembles avoir des missiles en trop, ne penses-tu pas qu’il faudrait – dans ta logique – prendre pour cibles ceux qui ont armé, financé et acheminé vers la Syrie les terroristes dont certains sont maintenant revenus commettre les mêmes atrocités en France ? Est-ce malin de ta part de frapper des exécutants qui forcément seront remplacés ? Ne ferais-tu pas mieux de t’en prendre plutôt aux commanditaires ? Tu ne sais pas où les trouver ?

Je vais t’aider. Un certain Laurent Fabius (j’ai pas son adresse, mais ça doit se trouver dans l’annuaire) a déclaré en 2012 : « Al-Nosra fait du bon boulot en Syrie ! » Un certain Bernard-Henri Lévy est allé fraterniser avec la section d’Al-Qaida en Libye. Un certain François Hollande a été vu fréquemment en compagnie des cheikhs saoudiens, tu sais ceux qui empoisonnent le cerveau de ces jeunes. Un certain Alain Juppé est allé embaucher pour la sale guerre contre la Syrie le Turc Erdogan : tu sais, celui qui déroule un tapis rouge aux terroristes depuis l’aéroport d’Ankara jusqu’à la frontière syrienne et celui aussi qui aide Daesh à vendre son pétrole ?

Ah oui, en passant, Eric, j’aimerais te dire que Molenbeek est une commune très chouette à vivre, les gens y sont très chaleureux, bien sûr il y a quelques brebis galeuses (à Monaco, aussi, tu ne crois pas ?). Et donc je t’invite à venir la visiter en ma compagnie. Tu rencontreras des gens souvent assez pauvres mais qui essaient de s’en sortir. Parce que c’est curieux, mais quand on s’appelle Mohamed ou Karim, il est plus difficile de trouver un job que lorsqu’on s’appelle Eric ou Michel, tu comprends ça ? Et donc c’est là que se concentre la pauvreté à Bruxelles.

Parce que tes amis du patronat se fichent bien que tout le monde ait un emploi et un avenir, ce qui les intéresse au contraire, c’est de gagner un maximum en payant le minimum, et pour ça, plein de chômeurs qui font pression sur le niveau des salaires, c’est bon pour les affaires, non ? A Molenbeek, si tu veux bien quitter tes beaux quartiers, juste pour un jour, tu rencontreras plein de gens qui ont juste envie qu’on cesse de diaboliser les musulmans, qu’on les reconnaisse dans leur dignité et qu’on donne une chance à leurs enfants.

Quand je demandais ton adresse, Eric, je plaisantais bien sûr, raccroche ton téléphone, le 112 est déjà assez chargé. Non, mes seules armes, ce sont les raisonnements basés sur des faits. Donc, je te lance un défi. N’ayant jamais eu l’honneur d’être invité à débattre avec toi dans les grands médias français, je te propose de combler cette lacune. Examinons ensemble qui est responsable de tout ce carnage. Et laissons le public en juger.

Où tu veux, quand tu veux.

Source : Michel Collon

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