« Sud Ouest ». Qui a financé ce voyage ?
Jérôme Lambert. C’est nous qui l’avons financé. Ça m’a coûté, à la louche, 1 500 euros. Pour les repas, j’ai bien sûr été invité.
Invité ? Par qui ?
On a été invités, oui, si l’on peut dire… Disons qu’on a d’abord sollicité une invitation du régime syrien. C’est nous qui avons voulu y aller.
Quelle était votre légitimité pour prendre l’initiative de ce voyage ?
En tant que député, j’ai un mandat du peuple. Je ne dis pas que je représente l’État français, mais j’ai ma part de souveraineté aussi.
Vous partez alors même que François Hollande déclare : « Assad est une partie du problème, pas de la solution »…
C’est un peu difficile de concevoir que Bachar al-Assad est à l’origine de la situation de crise que connaît cette partie du monde, dans la mesure où ce régime syrien, si on le considère comme tel, est en place depuis une trentaine d’années. Nos relations franco-syriennes n’ont jamais été mauvaises. Bon, d’accord, l’assassinat de l’ambassadeur de France à Beyrouth, au début des années 1980, c’est pas terrible. D’accord, l’assassinat d’Hariri (1), le logeur de M. Chirac, ça a jeté un froid. Mais le fait que Bachar al-Assad soit l’invité d’honneur au défilé du 14 Juillet par Nicolas Sarkozy, président de la République, c’était il n’y a pas si longtemps.
Pourquoi, alors, selon vous, ce revirement dans la diplomatie française ?
Pour la France et les États-Unis, qu’est-ce qui comptait le plus ces dernières années ? Les relations avec l’Arabie saoudite et le Qatar ? ou la relation avec un régime dont on pronostiquait, au moment du printemps arabe, qu’il ne tiendrait pas quinze jours ? Le choix de la France a été fait. Les opposants à Bachar ont tout de suite été armés. Tout de suite, les tirs ont été réciproques. D’où venaient les armes du côté des opposants ? Le financement venait des Frères musulmans, de l’Arabie saoudite, de la Turquie aussi.
Vous voulez entendre par là que le gouvernement français a une posture opportuniste ?
En choisissant le camp anti-Bachar avant tout, en ne faisant rien contre les fous islamistes, on a fait une erreur, qu’on paye aujourd’hui. En voyant partir des centaines de jeunes se former au terrorisme. Et en voyant arriver des centaines de milliers de réfugiés.
Et ces réfugiés ne sont pas envoyés par la Syrie. La plupart sont syriens ou irakiens, j’en conviens, la plupart ont fui des zones de combats, mais d’où viennent-ils, aujourd’hui ? Ils viennent des camps de réfugiés qui sont en Turquie principalement, où ils vivent depuis un ou deux ans. Il y a tout un jeu stratégique de la Turquie, qui nous les envoie en Europe, une déstabilisation.
Pour quel intérêt ?
Erdogan veut un régime très autoritaire en Turquie, il n’a surtout pas envie qu’on vienne l’embêter. Il donne un signal fort à l’Europe : si vous ne me laissez pas faire ce que je veux en Turquie, je vous envoie 300 000 réfugiés de plus.
Source : Sudouest
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