Politique : des députés épinglés
Enrichissement personnel à l’Assemblée nationale
L’association Lot-et-Garonnaise publie les résultats d’une enquête sur les permanences parlementaires. Elle soupçonne des « enrichissements personnels » au détriment de « l’intérêt public »
ans un rapport rendu public ce mercredi, l’association « Pour une démocratie directe » présidée par le très tenace professeur de mathématiques Lot et Garonnais Hervé Lebreton dénonce les conditions dans lesquels certains parlementaires se sont constitués un patrimoine immobilier.
L’association affirme avoir recueilli 1214 adresses de permanences parlementaires, les données obtenus auprès des services de publicité foncières de 306 députés retenus comme échantillonnage des députés des XIIIème et XIVème législatures afin de mener une enquête pendant deux ans.
Dans le viseur, l’utilisation de l’IRFM (une enveloppe de 5770 euros par mois pour les frais sans qu’aucun justificatif ni contrôle ne soit exigé) et les prêts de l’Assemblée nationale (à taux très avantageux). L’association soupçonne certains parlementaires d’avoir utilisé ces deux dispositifs pour se constituer un patrimoine immobilier personnel.
De très bonnes affaires
L’association cite notamment le cas d’un député-maire en fonction (son identité n’a pas été dévoilée) ayant vraissemblablement réalisé de très bonnes affaires grâce à ces dispositifs.
« Le Député P… (1), moins d’un an après sa première élection aux législatives, achète sa première permanence parlementaire, sans aucun apport personnel puisque le prêt octroyé par l’Assemblée nationale couvre non seulement la totalité du prix d’achat mais aussi les frais de notaire.
Le Député P… (1) peut alors rembourser son prêt soit en le remboursant directement, soit en s’accordant à lui-même un loyer avec son IRFM. Au bout de 8 ans, son achat est pratiquement ou complètement remboursé (si le loyer mensuel est d’environ 1 500 €).
La vente de sa première permanence parlementaire lui permet alors de réaliser, avec la plus-value, un enrichissement personnel de l’ordre de 165 000 €, sans avoir eu à débourser un centime de sa poche.
Cette bonne affaire financière pour le Député se fait au détriment de l’État, creusant un peu plus la dette publique. En effet, l’argent prêté à 2 % au parlementaire est emprunté par l’État le jour même, pour la même durée à 4,12 % (source : Banque de France – taux à 10 ans des BT et OAT )
Le Député visiblement satisfait de la combine achète ensuite une seconde permanence parlementaire, 10 mois seulement après sa réélection, pour un montant plus important de 190 000 €. »
« L’association a découvert que l’argent public, géré par l’Assemblée nationale et le Sénat a permis à un grand nombre de parlementaires et à leurs proches de s’enrichir personnellement au détriment de l’intérêt public » accuse-t-elle dans son rapport.
Soupçon de financements politiques
Précisons que l’utilisation de l’IRFM pour rembourser un emprunt lié à l’achat d’une permanence a été strictement interdit par le bureau de l’Assemblée il y a quelques mois. Mais l’utilisation de l’IRFM ne fait toujours l’objet d’aucun contrôle déplore l’association.
Par ailleurs le système de prêts immobiliers ultra avantageux accordés par l’Assemblée nationale a été officiellement supprimé en 2010. Mais cet arrêt a longtemps été contourné. L’association a pourtant mis la main sur un acte faisant état de ressources issus de ces prêts datant de… 2011!
D’autre part, selon le rapport, 23 permanences parlementaires correspondent à des adresses de sections locales de partis politiques et 82 ont été utilisées comme lieu de vote interne à un parti politique. « Qui paye le loyer de ces permanences? A qui est versé le loyer de ces permanences? Comment l’Assemblée nationale compte-t-elle empêcher que que l’IRFM participe directement (financièrement) ou indirectement (mise à disposition de locaux) au financement des partis politiques » questionne la très pointilleuse association.
14 parlementaires signalés
Celle-ci rappelle avoir par ailleurs signalé à la Commission des comptes de campagne le cas de 14 parlementaires ayant utilisé leur site parlementaire (hebergés par l’Assemblée nationale et financés par celle-ci) à des fins de propagande électorale.
« Pour une démocratie directe », s’est spécialisé ces dernières années dans le contrôle citoyen de la vie publique. Elle s’est notamment fait connaître en obtenant la publication des données sur la réserve parlementaire. Elle a récemment obtenu l’agrément de Haute autorité pour la transparence de la vie publique.
Source : Sudouest