Les témoins des attentats de Paris vendredi ont tous évoqué l’attitude mécanique, erratique, des terroristes. Et les perquisitions menées par les enquêteurs auraient permis de trouver des seringues dans les chambres d’hôtel où ont séjourné Abdeslam Salah, le commanditaire présumé des attaques, et ses complices. Des analyses toxicologiques des corps des terroristes et de ces seringues permettront de confirmer s’ils étaient sous emprise de Captagon, que l’on appelle désormais « la drogue du djihad ».
« Sud Ouest ». Que savez-vous sur cette drogue, en quoi est-elle nouvelle ?
Bernard Bégaud. Elle n’a rien de nouveau. Il s’agit de la fénéthylline, un stimulant de la famille des amphétamines, découvert au début du XXe siècle, aux propriétés très séduisantes : psychostimulant puissant, il apporte une énergie psychique, musculaire, diminue la perception de faim et de fatigue. Il nous rend au top. Tonedron, Maxiton… on les utilisait beaucoup à une époque. Les sportifs en abusaient, sans savoir d’ailleurs qu’il s’agissait d’une drogue. Tom Simpson, un coureur du tour de France, en est mort alors qu’il grimpait le mont Ventoux en 1967. On a découvert dans ses poches des pilules de Tonedron. Car le prix a payer est la chute, l’échappement, lorsque le corps craque.
L’attitude déshumanisée des terroristes sous control mental (MK ultra?)
Absolument. Cette substance, probablement associée à d’autres produits anxiolytiques, qui plus est, absorbée par injection, ce qui en multiplie les effets, a la particularité de susciter un sentiment de toute-puissance. Un côté « roi du monde ». Pendant la dernière guerre, les combattants des armées en prenaient, la division Das Reich qui a massacré Oradour était sous son empire, mais les aviateurs anglais qui bombardaient aussi, et dernièrement les ouvriers japonais. Daesh n’a rien inventé. Ils ne dorment pas car cette drogue tient éveillé, pousse le corps et l’esprit à son maximum, et ce, jusqu’à la rupture. Les drogués sous amphétamines sont plus violents que les autres. Ils ne mangent plus, ne dorment plus, sont désinsérés. Des Robocops obsessionnels. Les pharmaciens, en France, ont toujours craint ce type de drogués, car ils sont les plus violents, « tarés », en perte de repères avec le réel. Pourtant, la drogue seule ne suffit pas à expliquer ces actes barbares, ces hommes de Daesh sont aussi mentalement sous emprise.
Le Captagon a longtemps circulé en France, sous d’autres formes, avec les mêmes effets. Puis il a été interdit. Il existe donc des productions parallèles ?
Bien sûr. Aucun problème pour s’approvisionner, la production de Captagon est assurée par la Syrie… il semblerait. En France, ce produit est interdit depuis 1993 et à l’issue d’une étude que j’ai menée en 1996, cette même molécule présente dans un coupe-faim a été définitivement abandonnée… Trop d’effets dangereux. Mais, ça circule encore, via Internet. Et le milieu du sport s’en procure toujours, malgré les risques.
Source modifiée du Sudouest