Si l’apologie du terrorisme a été maintes fois pratiquée, sa condamnation suit l’adage de Jean de La Fontaine : « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »
En effet, depuis les attentats parisiens de la semaine dernière, pas moins de 54 procédures pénales ont été ouvertes pour « apologie d’actes de terrorisme » et hier c’est l’humoriste Dieudonné qui était placé en garde à vue pour avoir posté dimanche dernier sur sa page Facebook : « Je me sens Charlie Coulibaly. » Le billet avait pourtant été retiré au bout de quelques minutes.
Selon le Larousse, l’apologie est un discours ou écrit glorifiant un acte expressément réprimé par la loi pénale. Selon l’article 421-2-5 du code pénal, l’apologie d’actes de terrorisme se définit comme « le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes ». Voici quelques cas constituant manifestement – ou pouvant s’apparenter à – de l’apologie du terrorisme.
Laurent Fabius et le Front Al-Nosra
Le 12 décembre 2012, Laurent Fabius est en visite à Marrakech (Maroc). Alors que Washington vient de placer sur la liste des organisations terroristes le Front Al-Nosra, qui sévit en Syrie, le ministre des Affaires étrangères s’insurge. Il explique lors d’une conférence de presse que les hommes de ce groupe, affilié à Al-Qaïda, « font du bon boulot » (rapporté par Le Monde le 13 décembre 2012). Quelques mois auparavant, en déclarant « Monsieur Bachar Al-Assad ne mériterait pas d’être sur la Terre » (17 août 2012), Laurent Fabius avait donné un permis de tuer, un véritable blanc-seing aux organisations djihadistes qui terrorisent la population syrienne depuis 2011. Soutenus financièrement, via des fondations, par le Qatar, allié privilégié de la France, ces groupes terroristes ont depuis constitué l’État islamique à l’été 2014. Une apologie du terrorisme autrement plus grave qu’un billet sur Facebook…
Hollande, Yitzhak Shamir et Netanyahou
Le 30 juin 2012, suite au décès d’Yitzhak Shamir, le président de la République, François Hollande, signe ce communiqué :
« C’est avec émotion et tristesse que j’ai appris la disparition aujourd’hui de M. Yitzhak Shamir. Israël perd avec lui une forte personnalité qui s’est engagée, dès son plus jeune âge, dans la fondation de l’État d’Israël, auquel il était indéfectiblement attaché. »
En effet, Yitzhak Shamir fut engagé dès son plus jeune âge dans la lutte pour la fondation de l’État d’Israël. Mais ce que François Hollande ne dit pas, c’est que Shamir a agi dans la branche la plus violente du sionisme, sa branche clandestine et terroriste.
Né en Biélorussie en 1915, il rejoint en 1935 la Palestine, alors sous mandat britannique, et s’engage l’année suivante dans l’Irgoun. Le groupe est classé comme terroriste par le Royaume-Uni et l’Agence juive. Shamir participe alors à de nombreux attentats, qui font plusieurs centaines de victimes parmi les civils palestiniens pendant la grande révolte arabe (1936-1939). En 1940, l’Irgoun se divise et Shamir rejoint le Lehi, plus connu sous le nom de groupe Stern, du nom de son leader Avraham Stern, dont il devient le bras droit. Par opposition aux Anglais, le groupe Stern proposera, sans succès, une alliance à l’Allemagne nazie, qui sera transmise à Berlin le 11 janvier 1941 sous le titre de « Texte d’Ankara ». Leur tête est mise à prix par les Anglais, qui appellent « Stern gang », ce groupe d’une vingtaine de membres.
Shamir prend la direction de l’organisation terroriste en février 1942 et sera l’organisateur, entre autres, de l’assassinat du président général en Égypte, Lord Moyne, le 6 novembre 1944, et de l’assassinat du comte Folke Bernadotte, le médiateur spécial de l’ONU pour la Palestine, le 17 septembre 1948. On compte également au palmarès du groupe Stern le massacre de Deir Yassin d’avril 1948, où de nombreux civils palestiniens (entre 250 et 350) seront assassinés. Cette opération fut menée avec l’Irgoun, alors dirigé par Menahem Begin, qui assumera la responsabilité du massacre. Après la création de l’État d’Israël, le Lehi et l’Irgoun, associés au Bétar, composeront l’Herout, qui deviendra le Likoud en 1973. Menahem Begin et Yitzhak Shamir dirigeront successivement le parti et seront tous deux Premiers ministres d’Israël.
En 1993, Benyamin Netanyahou a succédé à Yitzhak Shamir à la tête du Likoud. La branche terroriste du sionisme, représentée à Paris par Meyer Habib, est aujourd’hui au pouvoir en Israël et l’apologie de ce terrorisme est un passage obligé pour quiconque souhaite réussir une carrière politique où journalistique au sein des élites françaises.
L’intelligentsia parisienne et Cesare Battisti
Le 26 juin 2004, le Tout-Paris est réuni pour une soirée de soutien à Cesare Battisti. Parmi les participants, on compte Bernard-Henri Lévy, Guy Bedos, Philippe Sollers, Fred Vargas, Bertrand Delanoë, la Ligue des droits de l’homme, etc.
La soirée est organisée pour faire pression sur l’Élysée afin que Jacques Chirac refuse l’extradition de Battisti, demandée par Silvio Berlusconi. En effet, Cesare Battisti, ressortissant transalpin, fut membre des Prolétaires armés pour le communisme (PAC), un groupe terroriste. Il a été jugé par contumace en 1988 par la cour de Milan et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour l’assassinat du surveillant de prison Antonio Santoro à Udine en 1978, de l’agent de police Andrea Campagna à Milan en 1979, pour complicité dans les assassinats le 16 février 1979 du boucher Lino Sabbadin à Santa Maria di Sala (Vénétie) et du bijoutier Pierluigi Torregiani à Milan. À propos des crimes lui ayant valu sa condamnation, il déclare dans Libération (27 avril 2001) :
« Politiquement, j’assume tout. »
Bernard-Henri Lévy préfacera le livre signé par le terroriste, Ma Cavale (2006), tout en reconnaissant dans Le Point (19 février 2009) ignorer « s’il a commis ou non les crimes qu’on lui impute ». Le 15 janvier 2011, l’écrivain italien Antonio Tabucchi résume dans Le Monde :
« Cesare Battisti, sanctifié par quelques intellectuels français, a été condamné en Italie à la perpétuité pour quatre homicides, dont deux qu’il a commis directement en abattant ses victimes d’un coup de revolver dans la nuque […] Il a débuté comme criminel de droit commun volant dans les supermarchés pour son bénéfice personnel, jusqu’au moment où, en prison, il eut l’idée de mettre son expérience au service d’un groupe terroriste, les PAC, Prolétaires armés pour le communisme. […] Il ne s’agissait plus d’attaques à main armée, mais de ce qui s’appelait désormais des “expropriations prolétariennes”. Et si quelqu’un était tué, tant pis. »
Le cas Battisti, ou quand toute l’intelligentsia parisienne soutient un Amedy Coulibaly italien…
Le journal Libération
Le 7 janvier dernier, le jour même de la tuerie de Charlie Hebdo, les (rares) lecteurs de Libération ont pu lire une double page où le quotidien s’indignait que le ministère de l’Intérieur ait retiré la nationalité française à Ahmed Sahnouni el-Yaacoubi, un Franco-marocain condamné à sept ans de prison pour terrorisme. L’article est particulièrement complaisant envers cet homme vraisemblablement lié à Al-Qaïda : les intertitres parlent de « mesure d’exception », de « triple peine » et de « principe républicain d’égalité dénaturé ». La parole est longuement donnée aux deux avocats du terroriste ainsi qu’à un certain Serge Slama, présenté comme « spécialiste du droit public et des droits des étrangers », qui explique très sérieusement que « la dénaturalisation est très connotée, elle rappelle le régime de Vichy, qui y a eu beaucoup recours ». Sans commentaire.