Journaliste : en leur vendant l’insécurité ?
La députée : non, en louant la sécurité, le mécanisme sécuritaire, le processus sécuritaire. La solution sécuritaire, tout ce qui leur ôte l’envie de parler et leur donne l’envie de se taire… tout en sachant que ; quoiqu’on fasse, la masse restera toujours à la masse.
Journaliste : autrement dit, vous ne vous faites aucune illusion ?
La députée : vous savez, mais peut-être que vous ne le savez pas : le peuple est sans tête. Plus il se cherche et moins il se trouve.
Journaliste : s’il est sans tête, c’est peut-être parce que vous l’avez décapité de votre plein gré ?
La députée : non. Je vous rassure et je vous assure qu’il ne l’a jamais eu et pour une raison logique, je veux dire ontologique : le peuple n’existe pas, seul existe l’individu… c’est notre cœur de cible, l’élément sensible.
Journaliste : Pessoa disait : « s’il pouvait penser, le cœur s’arrêterait ».
La députée : tout à fait… tout à fait… il bat. Il se bat parce qu’il ne pense pas. Sinon il aurait compris depuis que rien ne va plus, que les jeux sont faits. Il ne faut pas oublier, jamais que l’homme est un animal politique qui pour survivre et ne pas se sentir de trop, doit impérativement intégrer le troupeau…
Journaliste : un animal que vous conduisez à l’abattoir ?
La députée : non. En politique, il n’y a pas d’échappatoire : avoir ou se faire avoir… parce que l’être c’est dérisoire… il faut le faire savoir.
Journaliste : avec une carotte ou un bâton ?
La députée : pour tenir les hommes, il faut retenir tout ce qui les menace. Les grandes figures de la peur : la misère, la maladie, la mort… ne suffisent plus pour les maintenir.
Journaliste : vous avez cherché et trouvé mieux pour les réunir ?
La députée : absolument. Pour les sans-têtes il n’y a qu’une recette : un ennemi commun qu’il faut rendre aveugle et sourd pour qu’ils aient peur… peur de l’autre, peur de soi et peur du lendemain.
Journaliste : vous voulez dire que c’est le terrorisme qui réhabilite la politique ?
La députée : oui. Nous disposons du parfait bouc émissaire : l’islam converti en islamisme, en extrémisme, en terrorisme… c’est ce rêve impossible qui rend nos politiques possibles, réelles et nécessaires.
Journaliste : cette chance politique signifie tout compte fait votre déchéance éthique… c’est une fête qui ressemble à une défaite.
La députée : c’est la droitisation la plus adroite de tous les maladroits. Nos vieilles valeurs sont plus que jamais partagées : l’identité, la sécurité, l’autorité… sous peine de voir craquer nos cités. Il y a de quoi pavoiser non ?
Journaliste : et le prochain attentat, c’est pour quand ?
La députée : Tout ce que je puis dire c’est qu’en politique, rien n’est donné, tout est fabriqué.
Source : Le journal de Personne
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