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Azawad : Le Sahel convoité

Que veut la France au Sahel ?

Des techniciens militaires vont régulièrement instruire Ansar-Dine.

La France « socialiste » vient de s’engager militairement pour reconquérir territorialement un Mali qui n’a pas de sens. Bamako et Tombouctou n’ayant pas de dénominateur commun, la métropole (et c’est ainsi qu’il faut appeler la France), opte pour une nouvelle guerre de conquête.
Cela faisait belle lurette que la région du Sahel ne faisait plus l’objet d’aucun intérêt tant économique que sur le plan civilisation. En apparence seulement car en réalité cette région regorge de matières indispensables dont sont friandes les économies occidentales. Voila pourquoi la France, après avoir pris la précaution d’être soutenue diplomatiquement, cherche à y maintenir sa mainmise. Quitte à y provoquer un chao social, comme le firent les USA-UK en Irak. Le partage du monde n’est pas tant en soi un renouveau. Nous constatons une simple mise à jour d’une partition de la planète, s’opérant bon gré mal gré suite aux décolonisations.
Les grands ensembles se requinquent et se remoulent, se croisent et s’entrecroisent.
Tout comme le coup de l’éventail, le prétexte de nettoyer le pays touareg de l’intégrisme est bien commode. On n’est là plus très loin de « l’action civilisatrice » de la France. La présente innovation parisienne est cependant aussi invariable et hideuse que les précédentes.
Les Berbères sont une nouvelle fois laissés pour compte. Cela se passe chez eux.
Chez nous je devrais dire.

Que veut la France au Sahel ?

Parmi les questions que l’on se pose, celle-ci, paraitrait saugrenue au seuil du 3ème millénaire : « Mais que fait donc la France au Sahel ? »
La réponse est limpide et unique : les richesses de son sous-sol bien sûr.
Les tréfonds Sahéliens font partie des plus riches du continent africain : pierres précieuses, matières fossiles, marbre, granit, lithium, fer, étain, zinc, uranium. La région de Gao (Tilemsi notamment) et l’Adrar des Iforas ne sont pas encore exploités (bois silicifiés, quartz, carbonates, phosphates, pétrole, or…).
L’Aïr (Niger) voisin est une véritable poule aux œufs d’or pour le nucléaire français : 33% de l’uranium alimentant les centrales nucléaires de la métropole provient du Niger. La mine d’Arlit qui se trouve toute proche de la frontière de l’Azawad est au centre des convoitises. C’est l’une des plus importantes de la planète. En attendant, l’entreprise française Areva pollue allégrement les populations des environs (voir notamment les alertes de Greenpeace).
En 2015, une usine toute proche (imoqabin) devrait être mise en service : elle sera, selon les experts, la deuxième mine d’uranium à ciel ouvert au monde !

La ceinture sahélienne utile s’étend de l’Atlantique à la mer rouge (du Sénégal à Djibouti.). On comprend mieux l’intervention des troupes françaises pour les dividendes d’Areva (et de bien d’autres).

Ces éclairages permettent de comprendre le haut intérêt qu’ont les groupes compradores français sur cette région. Il a fallu faire appel à l’Etat français et à son armée en vue de se réapproprier cet espace.
Le côté diplomatique ne fut pas en reste : vaine mobilisation de la Cédéao et de l’Algérie par exemple. Le conseil de sécurité de l’ONU a apporté sa caution, mais du bout des lèvres seulement : il s’agit de laisser à la France sa chasse gardée. Temporairement en attendant la poursuite de son déclin. Pour la première fois depuis 50 ans, la république réinvente la guerre coloniale puisque ses soldats sont aux premières lignes face aux hostilités du terrain. Tous les moyens sont mis en branle : aviation, chars…
Comme alliés, on retrouve les sempiternelles « armées » africaines, faibles, non aguerries ni motivées telles que la nigériane ou l’ivoirienne ou encore… la malienne. Connues pour leurs habitudes sulfureuses, leurs expéditions punitives et autres viols et saccages, les médias aux ordres chanteront les dérapages induits. Le gouvernement devra couvrir à terme toutes les outrances.
La république n’appartient qu’au peuple en théorie, mais ses appareils répressifs et notamment militaires servent de plus en plus des intérêts non avoués. L’hypothèse est particulièrement valide en ce qui concerne l’invasion française du Sahel.
« Notre » ministre des affaires étrangères devra assurément ravaler à maintes fois sa salive avant de trouver les mots face aux exactions punitives et gratuites menées envers les autochtones Touaregs.
Alpaguée par les droits fondamentaux, la Françafrique fait fi des réprobations légitimes. Rappelons que les soldats français combattent aux côtés de l’armée malienne qui est dirigée par un putschiste qui a déposé son président démocratiquement élu.
La république de la France (qu’elle soit issue de la droite ou de la gauche) est à ce point aux ordres des entreprises anthropophages qu’elle est devenue une serpillère de service prête à l’emploi instantané. Aux intérêts non avoués bien entendu. Mitterrand ne disait-il pas qu’il serait le dernier président avant les ordres des comptables ? Il inaugurera en fait cette nouvelle ère des présidents toutous : le présent Hollande ne déroge pas à cette règle.
Au contraire il la renforce.

Qu’est ce qui a changé depuis un an ?

Authentique et historiquement inattendu, le mouvement indépendantiste touareg s’est affirmé il y a tout juste un an. Le MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad) chasse sans coup férir l’armée malienne de son territoire ancestral : l’Azawad berbère. L’immensité territoriale regroupe les trois régions du Nord symbolisées par les villes de Gao, Kidal et Tombouctou.
Intrinsèquement démocrate, laïc et national, ce mouvement a reçu le soutien appuyé des Berbères de Kabylie, du Maroc, des Iles Canaries, de diaspora notamment en France… Tout comme l’appui affirmé des Catalans (on remarquera l’ouverture des chaines barcelonaises à la cause touarègue). Les Bretons avec des moyens moindres ne furent pas du reste.
Mais les métropoles coloniales ont fait grise mine.
La revendication d’un État sahélien par les Touaregs est ancienne. Plusieurs révoltes eurent effectivement eu lieu : 1963, 1991, 2006 puis 2012 avec la reconquête de l’Azawad par le MNLA.
Cet agencement touareg démocratique, de surplus laïc gène assurément la Françafrique : à méditer.
Faute de pouvoir affronter ouvertement la mouvance révolutionnaire du MNLA, on a eu recours aux méthodes algériennes : pourrir la soif de liberté par le salafisme.
Les mouvances Djihadistes furent en conséquence dopées en quelques mois.
Misérable il y a un an, Ansar-Dine (Aqmi local) ou l’inexistant MUJAO (Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest) font aujourd’hui la loi en l’Azawad. D’où viennent leurs ascensions ?
Ou plus prosaïquement…

Où est l’erreur ?

La France obéit aux lois des financiers et se soumet aux petits richissimes comme les maitres du Qatar. Paris a aiguisé l’appétit de ce petit ogre : acquisition importante de fonds du CAC 40 (France télécom, Lagardère, LVMH, Total,…). Soit déjà plus de 6 milliards d’euros. Un chiffre à donner le tournis.
En parallèle, le Qatar travaille les banlieues et … en Afrique du Nord.
Mais centrons-nous plutôt sur l’Azawad :
Le Qatar a procédé à une aide très importante aux islamistes (armes de guerre, matériel médical, etc.). Ouvertement et sans opposition à vrai dire.
Tandis que le MNLA se démène à réparer ses vieux pickup et à chercher du ravitaillement (carburant,…), les djihadistes du MUJAO disposent de tout ce dont ils ont besoin. C’est que le donateur qatari est très généreux à leur égard.
Les chameaux ont ainsi été remplacés par les 4X4 et autres pickup. L’envers du décor vint rapidement : l’hégémonie des islamistes s’installe dans les villes de Gao, Kidal et Tombouctou.
Comment expliquer qu’une organisation fantomatique telle que le MUJAO passe en quelques mois du caractère confidentiel en un monstre semant la terreur dans l’Azawad ?

Trois phénomènes se sont conjugués :
– Il y a d’abord l’aide faramineuse du Qatar octroyée à ce groupe. Au vu et au su des parties prenantes telles que la France ou l’Algérie. Aucun de ces deux pays n’a trouvé à redire à cette aide criminelle.
– Vient ensuite la complicité algérienne. L’Algérie a permis et encouragé la transhumance des djihadistes de son territoire vers l’Azawad. Des techniciens militaires vont régulièrement instruire Ansar-Dine. L’Algérie est pour ce groupe ce qu’est la Qatar pour le MUJAO. Elle ouvre facilement ses frontières aux blessés intégristes mais refuse d’accueillir ceux du MNLA. Et ce au mépris des conventions internationales.
– Il y a enfin le délaissement du MNLA. Contrairement au MUJAO, ce mouvement laïc est local ! Gênant car il remet en cause le statut quo établi.
Indépendantiste, le MNLA est depuis le début torpillé par l’Algérie. C’est que l’indépendance de l’Azawad peut donner des idées souverainistes aux Kabyles. Par ailleurs, la France ne veut reconnaître ce mouvement. Pour ne pas déplaire à l’Algérie apparemment.

Pour palier à l’absence de soutien des structures internationales, les Touaregs démocrates et laïcs du MNLA font appel aux cousins berbères (Kabyles, Chleuhs, Rifains,…) mais aussi aux Catalans, Bretons… La diaspora n’est pas délaissée. Le poids de ces soutiens reste cependant très déséquilibré face à l’armada dont disposent les intégristes.

Parce que cela fait cinquante ans que l’armée malienne commet des exactions dans l’Azawad, parce que Bamako a tenu ce pays dans l’absolu non-développement total (pas d’écoles, pas de routes), parce que les Touaregs sont un peuple à part entière, la lutte pour l’indépendance de l’Azawad est légitime. L’immense majorité des Azawadiens adhère au projet souverainiste.

Le retour dans l’Azawad des militaires maliens fait craindre le pire : exactions, voire l’opération d’un « nettoyage ethnique », et ce sous le regard indifférent de la Françafrique.
Idéologiquement, la force régionale la plus proche des valeurs républicaines est bien celle du MNLA. Mais Hollande préfère faire marche avec les satrapes de la région. Les visions à courte vue font qu’un jour ou l’autre on se mord les doigts.

Il reste heureusement que les causes justes finissent toujours par triompher.

Gérard Lamari


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